Le voile

La démocratie : ces mots qui nous font tant parler.

Un figurant ne se voilait pas la face, il figurait. L’ordre des choses voulait faire bonne figure. Atténuer ses imperfections et tendre vers un idéal : il s’agit de la démocratie. Un terme bien galvaudé, servi à toutes les sauces, gavé de surcharges sémantiques et autres omissions ou dérives pathologiques, voire politiciennes, médiatiques ou procédant du phénomène de mode, du marketing du verbe, du prêt à porter où, de haute couture, la démocratie, bien que malmenée, est, semble-t-il, et sous toutes réserves, celle qui vous permet de vivre en paix, de vous nourrir, de vous distraire, et de vous habiller comme vous le désirez. Or, au pays de Marianne, combien même celle-ci porte une toque sur la tête, il est, pour ainsi dire, défendu aux femmes chrétiennes, juives et musulmanes de porter quelque chose sur la tête sous peine d’être accusée de terrorisme. Pourtant, l’habit ne fait pas le moine.

Est-ce cela la liberté, l’utopie, la démocratie de l’amalgame ? Je vous l’accorde, les femmes voilées ou semi-voilées, comme bon vous semble, n’ont guère de temps à perdre dans la consommation facile de feuillets et de magazines qui offrent dés l’adolescence, strings et strass en dépit d’une perte d’identité irréversible dû au clonage de la mode érigée en réflexe d’achat, en uniformité, en mode de non-pensée et en catharsis globale : nous sommes tous formatés pour utiliser le même système d’exploitation, mais, il faut le dire, les logiciels open et en licence libre sont tout de même une belle invention, une éthique défendable, durable. L’alternative.
Alors pour neutraliser ces femmes et leurs hommes que l’on fait venir d’ailleurs pour travailler dans un beau pays, on fait appel à la politique extérieure en désignant les plus mauvais exemples de ces gens voilés, l’hirsute, le menaçant, le ténébreux, l’indigène d’autrefois, le nègre postmoderne, l’exotique minimaliste du vingt et unième siècle qui doit se taire et faire le beau.
Pourquoi ne pas parler des femmes ingénieurs, juges, enseignantes, chirurgiennes, pilotes, et autres lettrées et scientifiques de tout bord qui vivent en harmonie avec elles-mêmes ? A l’avant-garde et souveraines. L’image est réaliste et valorisante, ce n’est pas le but du jeu truqué des yeux bandés.
Savez-vous que le pourcentage de suicides, d’anxieux et de malades mentaux est bien plus important au pays de Marianne sous le dictat et l’emprise du psy, de l’anxiolytique et de l’obésité, qu’au pays des anciennes dynasties. Regardons prés de nous un pays ami de la France, les femmes y vivent dans l’apparence qu’elles ont choisie et non pas revêtue de l’aspect correct de la couleur en vitrine cette saison, par un souci commercial évident et imposé.
Ce ne sont pas elles qui se font vomir pour ressembler à des mannequins, ce ne sont point non plus elles qui se ruent sur les médicaments de toutes sortes pour le corps, le mental et l’on ne sait quoi encore.
Leurs remèdes se trouvent dans la nature, l’amour des enfants, l’amour de son prochain : l’humanité, la culture, un patrimoine immatériel.

L’industrie y perdrait beaucoup qui à elle seule, aurait produit de quoi faire mourir la terre entière, asphyxiée par les gaz à effet de serre. Hormis les artifices et autre opium du peuple planétaire, pourquoi ne pas parler du chômage, de la précarité, des personnes âgées, du logement, enfin si tout cela intéresse le polémiste.

Savez-vous qu’il existe des régions où ce sont les hommes qui se voilent et non les femmes, paradoxe qui pourrait vous surprendre et qu’il faut taire ou réduire au folklore. Mais il existe et nomade, c’est lui qui est en mouvement perpétuel. Le marcheur. Et si l’on ne voit pas l’arc-en-ciel un confident, nous soufflera à l’oreille les couleurs de la phrase magique. On les appelle les hommes libres et ils sont voilés. La constellation du sud illumine dans leur cœur l’univers.

La vraie question n’est-elle pas :

As-tu mangé ?
As-tu un toit ?
Es-tu soigné ?
As-tu une activité dans ce bas monde ?

Ainsi lorsqu’un touareg rencontre un touareg, après les salamalecs, la première chose qu’il fait c’est demander des nouvelles des plus pauvres, des moins favorisés, des gens simples.

Ailleurs, la mode est au foulard autour du cou, un turban, en quelque sorte, un chèche saharien, un cache-nez : la démocratie des uns ou celle des autres accepte-t-elle que l’on se cache le nez ? Oui, à chacun son cache-nez rouge pour les communistes ou socialistes, noir pour les anarchisants, blancs pour plus de lumière, vert pour l’écolo et pour l’espoir, un cache-nez à l’autel de la diversité : mais déjà, l’homme moderne fait disparaître à jamais nombre d’espèces vivantes appauvrissant ainsi son patrimoine génétique et la biodiversité de notre planète. A se cacher ostensiblement le nez on ne risque pas de voir le bout du nez mais il en est au nez dévoilé pour se prendre pour le nombril du monde.
Je terminerai par l’évocation d’un grand philosophe qui serait aujourd’hui bien en mal de pensée, Pascal, qui constata « grandeur de Dieu » et « misère de l’homme ». Se doutait-il que celles-là qui « risquent la peine de mort » serait exécutées par les armes et les virus exportés par les plus démocrates des bien-pensants qui équipent leurs tyrans.

Marianne et son couvre-chef vous dit « et toc ! » et cela vaut mieux que d’être à toc-toc devant les portes fermées des maisons qui manquent d’air. La démocratie : c’est aussi, ennemis de l’équivoque et de l’ambiguïté, l’ouverture envers les autres et la tolérance de celui qui n’est pas exactement notre copie conforme.
Au lieu de plonger dans l’anxiété et de se laisser dominer par la méfiance, approchons la pédagogie et l’exigence de clarté. Il faut sortir de son petit trou, mettre les voiles : voyager, être nomade.

©Jamila Abitar

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